POSITION POLITIQUE DE L’ADC OCTOBRE 2023- Vers des Etats Généraux de la Protection de l’Enfance l’ADC adhère !

Notre vécu du quotidien, les articles de presse, les émissions de télévisions (auxquelles nous avons répondu de façon parfois véhémente) montrent que le dispositif de Protection de l’Enfance est fortement critiqué, contesté, et indiscutablement à bout de souffle !! L’ADC ne cesse de l’écrire et d’alerter sur ce point.

Nous nous sommes toujours mobilisés sur ce sujet, notamment dans notre position politique sur la « départementalisation » de la Protection de l’Enfance dans une position politique écrite lors de la parution de la loi N°2016-297 du 14 mars 2016 :

« L’ADC alerte sur cet écart qui s’accentue chaque année et ce, depuis le début de la décentralisation. L’ADC ne souhaite pas revenir à la centralisation de la protection de l’enfance en recréant la DDASS de l’époque, mais la question doit être posée sur cet écart qui à aucun moment n’est abordé dans ce projet de loi. Pourtant, la majorité des décisions de la protection de l’enfance sont des mesures de justice et le département n’a d’autre choix que d’appliquer ces décisions. Une mesure équitable de péréquation entre les départements aurait peut-être permis un juste compromis entre les territoires, entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ont des besoins »

La législation est présente, mais pas toujours appliquée, de nombreux décrets ne sont toujours pas publiés. Ce n’est donc pas une solution législative qui va régler les carences du système.

Depuis la sortie de crise sanitaire des années 2020/2021, nous constatons une recrudescence des situations critiques multiples et les placements, notamment des jeunes enfants, sont en très forte augmentation.  Les signalements pour maltraitance ont augmenté de 35 % entre 2019 et 2020 en France, les inégalités ont redoublé, notamment celles en lien avec une scolarité perturbée, les accueils rendus plus complexes dans les structures médico-sociales, par des difficultés aggravées d’intégration sociale et économique. L’augmentation de l’accueil des mineurs non-accompagnés pose encore davantage la question des moyens pour répondre aux besoins de l’ensemble des mineurs concernés.

Dans le même temps et pour conséquence plausible de la crise du COVID, nous avons eu affaire à un bouleversement des métiers du social et les personnes qualifiées susceptibles de venir travailler dans notre secteur se raréfient.

Si la Protection de l’Enfance est l’affaire des départements depuis la décentralisation, l’Etat a reculé face à ses responsabilités, ses missions ainsi que dans l’animation générale qui lui revient. « Faire la loi » sans mettre les moyens nécessaires quant à la mise en œuvre de celle-ci n’a aucun sens ! C’est de l’activisme.

Ainsi la mobilisation de vingt-quatre présidents de conseils départementaux qui demandent la mobilisation des Etats généraux de la Protection de l’Enfance ne peut qu’avoir le soutien de l’ADC déjà engagée sur ce sujet.

Oui, des Etats Généraux sont incontournables car les enfants confiés, accompagnés, méritent davantage en personnel, en services, en aide pédopsychiatrique. Il ne s’agit pas de faire un état des lieux, un inventaire, ils sont déjà faits par les nombreux rapports. Non, l’Etat doit s’impliquer davantage et aider les départements de façon volontaire. Ceux-ci sont exsangues des contraintes financières étatiques face à la mise en application des recommandations gouvernementales diverses relevant normalement de sa compétence. Le candidat Emmanuel MACRON lors de son intervention au débat télévisé du second tour de la présidentielle de 2022 avait, à la fin de son temps de parole, affirmé que « l’enfance sera une priorité nationale ! ». Si au lendemain des élections législatives 2022, nous avons eu la création d’un Secrétariat d’Etat à la Protection de l’Enfance rattaché au Cabinet du Premier Ministre, il lui manque juste un budget dédié !!!

La loi de N° 2007-534 du 7 mars 2007 a créé une alternative au placement, ainsi qu’une subsidiarité de la justice, par la création des accueils séquentiels ; elle a renforcé le droit à la parole des enfants.

Tant d’avancées mais pourquoi seules les associations s’y sont engouffrées ? Pourquoi les tribunaux pour enfants sont-ils toujours submergés ? Parce que les politiques territoriales n’ont pas été soutenues par l’Etat, ce qui aurait garanti aux enfants l’accès aux droits fondamentaux !

Les travailleurs sociaux, les Associations ont, quant à eux, faits les efforts nécessaires en matière de formation continue, de projet de service pour modifier leurs approches éducatives. Mais le compte n’y est pas, trop d’institutions n’ont pas la capacité d’exercer les mesures qui leur sont assignées, par manque de personnel et de moyens.

Trop d’enfants attendent une mesure de protection et leur situation se dégrade honteusement durant de nombreux mois faute des moyens devenus incontournables. Actuellement, ce n’est pas moins de 1 900 enfants de moins de trois ans dans la rue. Une réponse territoriale de proximité est absolument nécessaire mais la majorité des Conseils départementaux n’en ont soit pas les moyens, ou n’en ont pas la volonté !

Il faut revenir sur les lois de décentralisation de 1983/1984, sans avoir non plus une nostalgie des DDASS. Ce que l’Etat n’a pas su faire dans les années 1980, il n’en sera pas plus capable 40 ans plus tard !

Toutefois, les champs régaliens de l’éducation, de la médecine doivent faire l’objet d’une mobilisation accrue du gouvernement. L’Etat doit soutenir plus fermement les collectivités territoriales et les Associations à but non lucratif très innovantes en la matière. L’Etat n’a eu de cesse de démobiliser les professionnels avec une politique salariale désastreuse (un moniteur éducateur percevait 1.8 fois le SMIC en 1989, maintenant il atteint péniblement 1.1 fois les SMIC hors SEGUR). Les associations n’ont maintenant que la solution d’avoir recours à des sociétés d’intérim (qu’elles rémunèrent au plus bas taux à 2.2 fois le taux horaire d’un travailleur social de la convention collective) pour palier la désaffection du secteur social et médicosocial. L’Etat ne peut pas avoir une politique de Protection de l’Enfance sans travailler conjointement avec les Conseils Départementaux et par voie de conséquence avec les associations à but non lucratif. Ces dernières doivent être dotées de moyens humains et financiers à la mesure des besoins des personnes accompagnées, en portant une attention particulière aux territoires ultramarins, trop souvent oubliés, qui subissent des situations bien plus explosives que la métropole.

Si les pouvoirs publics ont déjà, depuis quelques années, pris conscience de la gravité de la situation, il s’avère néanmoins que les chantiers ne sont que « ouverts », mis en place mais sans objectifs, sans moyens propres, sans relais… Tout est prêt pour écrire l’histoire, le préambule est inscrit, il est urgent de mettre en place un Etat pilote d’une politique efficace avec conviction et tous les moyens nécessaires.

Alors faut-il attendre une nouvelle fois que la France soit « épinglée » par les instances européennes pour non-application des droits fondamentaux, ici de l’enfant ? Faut-il donner à penser que la France n’a pas la volonté suffisante à s’engager dans la stratégie 2022-2027 du Conseil de l’Europe pour les droits des enfants, au-delà des signatures d’usage ?

L’ADC s’associe à la tenue de ces Etats Généraux de la Protection de l’Enfance parce que les enfants le valent bien et les travailleurs sociaux aussi !

 

Alain HOTIER

Vice-président en charge de la Formation

Betty DERACHE

Présidente de l’ADC

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